Conjuration contre Laval ...
rideau
C'est une véritable conjuration de sérail qui se monte pour arracher au vieux sultan l'éviction de son grand-vizir. Rien n'y manque, car dans toutes les intrigues, il y a les eunuques de service, recrutés parmi les profiteurs du régime, les janissaires qui s'assureront au moment opportun de la personne du disgracié et, au besoin, lui feront son affaire. Pétain, en dehors de quelques principes acquis au cours de ses études ou à Saint-Cyr, n'obéit qu'à ses habitudes et à ses animosités. Il n'a jamais pu s'habituer à Laval, son dauphin. Il lui doit son principat et il lui passera le flambeau. Les héritiers présomptifs sont rarement populaires. Par­dessus tout, il s'en méfie, craint d'être entraîné contre sa volonté plus loin qu'il ne veut aller, jusqu'à la rupture ouverte avec la Grande-Bretagne, avec laquelle, justement, on vient de conclure certains accords clandestins. Ces clans opposés font le siège du maréchal. La place n'était pas imprenable. Elle sera prise. Non sans péripéties, ni suspense...
Dès le début de décembre, les fils se resserrent. Bouthillier ( au milieu ), le sage inspecteur des finances, se charge des négociations. Peyrouton ( à droite ), le préfet à poigne, de l'exécution. On choisit comme successeur de Laval aux Affaires étrangères, Flandin ( dessous à droite ), anglophile et européen. Le jour fatidique, celui-ci sera, d'ailleurs, authentiquement grippé. Deux événements distincts serviront de détonateurs à la bombe du 13 décembre. Un article de Déat ( à gauche ), dans l'Œuvre, à Paris, où il attaque violemment le gouvernement, et un geste « magnanime » du Führer : celui-ci, surestimant la survie des sentiments bonapartistes dans le coeur des Français et l'influence posthume d'Edmond Rostand, a décidé de restituer à la France les cendres de l'Aiglon, le 15 décembre, anniversaire du transfert de celles de l'Aigle. Il convie le maréchal à venir à Paris pour la cérémonie. Les conjurés s'affolent. Ils voient déjà Pétain, toujours indécis (il a, dès le 9, annoncé la révocation de Laval à Hitler par une lettre qu'il n'a pas encore envoyée), retomber sous l'influence de son dauphin et constituer, à Paris, avec lui, Déat et autres collaborateurs convaincus, un nouveau gouvernement. Laval revient à Vichy le vendredi 13 décembre, rayonnant. Il faut donc agir.
la conjuration contre Laval
Cette journée du 13 décembre , comme beaucoup de journées historiques, ne respecte ni l'unité de lieu ni l'unité de temps. Elle se joue à Vichy et à Paris, et se termine le 17. Le 13, les événements se précipitent et se contredisent. Laval organise le voyage du maréchal à Paris et dans d'autres villes de la zone occupée. Pétain accepte. Entre-temps, les conjurés préparent leurs batteries. Pendant que Lavai préside un conseil de cabinet, ils reprennent en main Pétain qui, le matin même, refusait de se séparer de Laval. Ce sera l'affaire d'un après-midi. Arrivé de Paris à 12 h 30, Laval, sans méfiance, est démissionné à 20 heures. L'acte constitutionnel le nommant dauphin était déjà abrogé... A 23 heures, il est arrêté et mis en résidence surveillée dans son château de Châteldon. Ses collaborateurs, dont Brinon, qu'il a amené de Paris, sont arrêtés, ainsi que Déat.
Incident comique, qui manque rarement dans les circonstances les plus dramatiques : le mot de passe, pour que le général de La Laurencie fasse arrêter Déat, est : « La maréchale a passé la ligne. » Quand Vichy téléphone cette phrase, le général a oublié sa signification ! Il croit que la maréchale arrive bel et bien et qu'elle ne sera pas reçue dignement ; il s'affole, téléphone à Vichy, et ne se souvient que lorsqu'on lui a seriné : « Mot de passe, mot de passe ! »
Flandrin
Petain et Abetz
Les autorités allemandes n'admettent pas l'éviction de Laval du gouvernement français. Abetz va venir sans tarder le dire à Vichy.
Le 17 décembre 1940 commencent les conversations entre Pétain et Abetz, après que celui-ci eut vu Flandin, grippé, chez lui, et que le nouveau ministre l'eut assuré « de sa bonne foi et de son innocence ».
Abetz, parlant au nom de Hitler, énumère les conditions du Führer qui a considéré le renvoi de Laval comme un affront personnel : nomination de Flandin aux Affaires étrangères (comme si celle-ci n'était pas déjà faite) et de Laval à l'Intérieur.
Pétain répond que sa dignité et son autorité seraient sérieusement compromises par le retour de Laval au gouvernement. Il commence par affirmer que ni lui ni Darlan ne resteront au pouvoir si Laval y revient, pour ne pas devenir la risée du pays.
Puis, battant en retraite après cette affirmation de principe, Pétain, loin de mettre le marché en main à Abetz (lui ou Laval) accepte de procéder à une enquête ; selon ses résultats, il reprendra Laval et renverra Peyrouton, Caziot et Belin. En conclusion, Pétain réaffirme sa détermina­ion de continuer la politique de collaboration.
Laval et le Marechal Petain
En présence d'Abetz, Laval s'emporte contre le Maréchal, surtout après que, avec une rare hypocrisie, Pétain lui eut affirmé qu'il ignorait tout de son arrestation et de sa détention.
L'affaire revient alors à son point de départ : l'autorité que reconnaît à Pétain son propre dauphin. Laval, dont les nerfs ont été mis à rude épreuve depuis quatre jours, perd la maîtrise de lui et se défoule en traitant le Maréchal de fantoche, baudruche, girouette qui tourne à tous les vents. Il lui rappelle qu'il est allé librement à Montoire. Il lui reproche de l'avoir jeté à la porte comme un valet.
Le Maréchal essaie de placer quelques mots que Du Moulin ( l'oreille collée contre une mince cloison ) n'entend pas. Puis, annulant partiellement ses bonnes résolutions antérieures, Pétain propose à Laval, qui le refuse, le ministère du Travail. Abetz soutient Laval : L'offre de Pétain équivaut à un rejet des exigences allemandes et il fait mine de repartir immédiatement. Mais l'attaque de Laval, par son incorrection, a redonné du poids à Pétain ; les Allemands sont obligés de convenir qu'ils ne peuvent pas, dans l'immédiat, imposer le retour de leur protégé au gouvernement. Ils ont beaucoup plus besoin du prestige de Pétain que de l'habileté de Laval. Sans le premier, le second ne représente plus grand-chose.
Bouthillier et Peyrouton
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